L’AVENTURE DU REGARD PERSAN (3/3)

3 mars 2010

LES ÉCRANS LÀ-BAS

Notes sur les écrans

Un regard transformé en projecteur, drôle de dialogue et de rencontre avec un réel recomposé : opérations de construction-déconstruction. Cadeau que de jouer dans un film de Kiarostami ou d’en être le spectateur. On ne peut être, c’est bien heureux, que l’émetteur d’images. La promenade, c’est ce rendre disponible à recevoir. Il y eut évidemment la rencontre avec les écrans d’Iran, images de là-bas, jamais vues ici.

Évacuons la question de la salle de cinéma. S’y rendre ou pas ? Pénétrer dans la chapelle, la chambre obscure des désirs enfouis.


Le pas ne fut jamais franchi, pas plus ici, à Kerman, que dans les autres villes. Des raisons objectives évidemment, mais le lieu est étrangement intimidant. Il faudrait chercher longtemps pour se l’expliquer. Laissons la question sans réponse.

Rencontre donc avec des images là-bas.


12 juillet, Téhéran, hall de l’hôtel Naderi
« Une série indienne à la télévision, avec un sosie de Gandhi. De l’action et de l’humour. Belle ironie : les hommes, pas tous, portent le turban, les femmes ont la chevelure libre. Peut-être que les fameux rayons capillaro-sexuels ne résistent pas aux ondes herziennes. »


22 juillet, lors du trajet entre Shiraz et Ispahan
« Le bus devrait bientôt partir. Le film lui est lancé. On nous ressert la même comédie socio-sentimentale multigénérationnelle que lors du trajet entre Yazd et Kerman. On y trouve de jeunes adultes masculins rondouillards, bouffons immatures, des femmes élégantes et intelligentes, quoiqu’un peu portées sur l’intrigue. »

« Le rôle du veuf semble lui aussi une constante, assez bizarrement, plus que celui de la veuve. L’un des protagonistes secondaires est un vague sosie de Diego Maradona. Le tout est joué avec une outrance désagréable, agressive, la touche est incontestablement vaudevillesque, avec éclats de voix et portes qui claquent. Le générique est bercé par un air de jazz qui ne dépareillerait pas chez Woody Allen. »

24 juillet, cette fois entre Ispahan et Kashan :

« De nouveau dans un bus, de nouveau une comédie sur l’écran. Une des premières scènes : il fait nuit, des kebabs de poulet grillent, deux jeunes adultes de sexes opposés discutent au clair de lune devant ce frichti. Peut-être sont-ils frère et sœur. Sinon, ils finiront pas s’aimer, au-delà de leurs différences, de leurs réticences et de leurs préjugés, notamment sociaux. Et voilà le personnage du veuf croulant, à l’hôpital en l’occurrence. C’est étrange, il doit certainement y avoir bien plus de veuves dans un pays ravagé par une longue guerre dans les années 1980… Certainement un arrangement avec la réalité. Il faut bien du courage pour prêter attention à ces films criards, absolument hideux. »

Et pourtant j’y ai prêté attention, notamment parce qu’il est toujours amusant de chercher à décrypter, en langue originale (c’est-à-dire en ayant très très peu accès au sens des dialogues), ces produits très répétitifs, calibrés et codifiés, notamment du fait de la censure.

Le bon et la mauvaise

Je n’ai rien consigné à propos d’un film vu à deux reprises dans les bus. Il est différent des comédies socio-générationnelles décrites ci-dessus, puisque l’on est en présence d’une veine mélodramatique, et plus franchement idéologique. À Kashan, j’ai vu l’affiche dans la rue, sur la vitrine d’une épicerie-vidéo club ; en version farsi, donc je ne connaissais toujours pas son titre.

Puis j’en ai parlé ensuite à Alasht avec des adolescentes connaissant visiblement assez bien ce film. Elles ont émis quelques ricanements – peut être bien des gloussements, je ne sais plus – à son évocation, sans doute en raison des qualités plastiques de l’acteur principal (Shahab Hosseini, que l’on a pu voir dans À propos d’Elly d’Asghar Farhadi, un bien meilleur film sorti en France en septembre 2009), effectivement plutôt bellâtre.


Bref, le film avait enfin son titre, Broken Heart, Del Shekasteh en version originale. Le personnage interprété par Shahab Hosseini est un basij, un membre de cette milice civile, les bassidji, devenue une sorte d’armée fidèle à Ahmadinejad, qui en fut. Quand je demandais à quoi reconnaît-on ces nervis du régime ?  Les mots « bad » et « dirty » revenaient sans cesse.

Le récit met en place une opposition totale entre cet étudiant franchement religieux doté des attributs des bassidji – barbe courte, vêtements amples, chemise par-dessus le pantalon – et une jeune fille délurée, portant négligemment le foulard, laissant souvent entrevoir une masse d’épais cheveux. Celle-ci débarque à l’université dans un coupé décapotable de marque allemande, s’en extrait d’une manière impudique et fait preuve d’un bagout effronté pas possible, notamment en prenant la parole en cours avec véhémence et aplomb.

Elle est plus qu’un brin moqueuse, notamment envers ce gueux mal fagoté et fou de Dieu. Mais ces derniers ont plus d’un tour dans leur sac, et à la suite d’une foule d’événements confus – pas seulement en raison de ma méconnaissance du farsi, je me souviens d’une sorte de secte aux rites complètement hétérodoxes – l’insolente comprend quel est le droit chemin : celui d’un mysticisme où l’amour du tout-puissant, et du beau basij, se gagne dans la souffrance. Une réalisation d’une rare laideur, un arc narratif à faire frémir, et même pleurer. La jeune fille, irritante en pétroleuse, finit, le visage de plus en plus sévèrement voilé, par ne plus être que l’ombre d’elle-même.

Pay(vi)sages

Si j’ai autant eu accès à une sociabilité féminine, c’est que je n’étais pas seul, mais avec ma compagne. Dans un autre cas de figure, le voyage aurait été sans doute très différent.

Retour à Alasht, en compagnie des adolescentes qui ont éclairé ma lanterne concernant Del Shekasteh/Broken Heart :
« Dans la partie haute d’Alasht, d’un point où l’on domine la vallée pour obtenir une belle vue, nous repérons un attroupement de jeunes gens, filles d’un côté, garçons de l’autre, ces derniers avec l’air goguenards. Un peu rompus à l’exercice, nous savons de quoi il va en retourner en s’approchant. Comme toujours, ce sont les filles qui sont les plus hardies. »

« Certaines présentent des caractéristiques physiques vraiment étonnantes ; maquillage massif avec effet de blanchissement de la peau, des chevelures largement hors du foulard au moyen d’une sorte de banane, et surtout trois ou quatre cas d’épilation intégrale des sourcils et greffe d’autres en demi accents circonflexes inversés. Le résultat de cet affichage de surféminité est assez terrifiant. »

Le visage, seul élément visible, s’impose comme une instance de dialogue entre les corps féminins et le pouvoir, et plus largement, l’espace public. Avec les formes masquées par l’habit long et ample, le visage est un espace de revendication, de (dé)monstration, pouvant prendre des proportions délirantes ; à la fois écrans et projecteurs.
« Trois jeunes filles du groupe se signalent par une certaine sobriété, Elahe et Elham sont deux soeurs, Zahra présente des traits plus secs, moins harmonieux, notamment du fait d’un nez très droit et long. Toutes trois sont des téhéranaises qui viennent l’été goûter au bon air des cimes. »

Elahe, Elham et Zahra vont accompagner notre séjour montagnard, une charmante compagnie à nouveau. Dès le lendemain, nous étions à la table familiale pour un délicieux ragoût aux herbes. Après le repas, une séance de dessin, des visages à capter à coups de crayons.

Fatemeh, petite sœur d’Elahe et Alahe, est aux portes de la puberté, bientôt elle devra se couvrir. Elle pétille d’intelligence et d’esprit, se risque à un anglais fantaisiste. Aimant le football, portant le cheveu court ; c’est ce que l’on appelle un vrai garçon manqué. On sent que le moment est compliqué, difficile de ne pas penser à un corps qui réprimerait l’arrivée des signes de la féminité.


Fatemeh s’est exécuté en posant avec beaucoup de sérieux. Son visage n’est pas encore un écran, ni un projecteur. J’aime beaucoup cette séance de dessin chez cette adorable famille, et l’idée que ces images soient restées là-bas, avec nos hôtes.

FIN

Images et photographies :

– affiches des films Kabuliwala de Hemen Gupta et Del Shekasteh (Broken Heart) de Ali Royeen Tan

– l’actrice indienne, Diego Maradona et Shahab Hosseini : auteurs inconnus

– photographies d’Amélie Juillard et Arnau Thée

– dessins d’Amélie Juillard


L’AVENTURE DU REGARD PERSAN (2/3)

1 mars 2010

MES ÉCRANS : SURGISSEMENTS

Récréation de la rue

Acteur imaginaire d’un Kiarostami, et parfois, souvent en même temps, spectateur fasciné. Il est peut être utile de signaler que les débuts du cinéaste se sont déroulés dans le cadre de la KANOON (Institut pour le développement intellectuel des enfants et des jeunes adultes).

Dans ce carcan éducatif officiel, il livre des œuvres sur l’enfance qui n’ont rien de brouillons, avec déjà un sens aigu de l’espace, de la fable morale et poétique. C’est notamment le cas dans Le Pain et la rue (1970), où un jeune garçon chargé de ramener chez lui le pain voit son trajet contrarié par un chien lui bloquant le passage. Une dramaturgie minimale pour une méditation sur les peurs, enfantines ou pas. Le pain et la rue, qu’en fut-il pour moi? Ils ont donné lieu à de belles rencontres, furtives mais solidement inscrites, pas seulement dans la carte mémoire d’un appareil photographique.

Le regard de ce petit garçon à Yazd.

Et le visage de Djamila.

J’ai écrit le 19 juillet :
À Mahan ce matin, comme une parade de séduction. Chacun sur le trottoir opposé, des échanges de regards, de sourires. Âgée d’une dizaine d’années, elle revient avec un sac rempli de cet excellent pain plat. Elle nous invite à l’accompagner vers sa maison. Le visage est resplendissant, la peau sombre. Les traits sont merveilleusement dessinés. La grâce est réelle, évidente. Et toujours ce quelque chose de sage et de grave. On se quitte sur le seuil de sa maison que les hauts murs en pisé ne permettent pas de voir. Le jardin de Djamila, c’est son prénom, est sans doute très beau.

La veille, dans la même ville : visite d’un splendide mausolée. Le lieu sacré se remplit tout à coup de plusieurs dizaines d’écoliers.

Ils viennent passer ici leur test d’anglais, l’endroit est spacieux et frais. En 1972, Abbas Kiarostami a réalisé La Récréation. Elle sera pour après, il était tentant de ne pas l’attendre.

Caisse de résonance

Nous avons rencontré Niloufar à Yazd, ville du centre du pays coincée entre deux déserts. Pour le plaisir de les nommer : Dasht-e Lut et Dasht-e Kavir. Le contact obtenu par une amie iranienne en France s’est transformé en une amie trouvée là-bas. Cinq jours délicieux en sa compagnie. Niloufar a une voiture, on s’est promené dans celle-ci.

Un visage élégant et déterminé, un regard noir souvent masqué de lunettes de soleil ; voici à nouveau Ten qui surgit ; la conductrice, le merveilleux personnage central du film.


En compagnie d’une amie de Niloufar, Anahita, zoroastrienne délurée, nous avons pris la route de Deghbala, un village dans les montagnes environnantes. Je suis à l’arrière et peine à faire autre chose que scruter le reflet des visages dans le pare-soleil ou le rétroviseur intérieur.

Ce qui me permet de me détourner, ce sont ces routes qui serpentent entre des sommets à la fois doux et vigoureux. Des paysages, kiarostamiens évidemment, bien qu’il n’ait jamais tourné dans cette contrée ; mon bagage, il faut en convenir, est un peu envahissant parfois.

Niloufar est peintre, en contradiction aussi bien avec son espace public que privé. On ressent  rapidement chez elle la pression sociale qui s’exerce dans cette ville conservatrice sur une jeune femme divorcée vivant chez sa mère, et dont les cinq frères et sœurs sont tous casés. S’il y en a un de moment kiarostamien, parce qu’il fut fulgurant, triste, beau et émouvant, c’est celui-là : un peu par désoeuvrement, surtout parce que cela se fait beaucoup ici, nous sommes partis pour une virée nocturne en voiture dans les rues de la partie moderne de Yazd.

La déambulation a semblé entraîner celui d’une parole devenue libre, sur le ton de la confession, cette dernière comme encouragée par le défilement de la route et l’aspect strictement privé du lieu. L’habitacle de l’automobile est devenu, comme dans Ten, une caisse de résonance, celle du poids des regards et du jugement des autres, d’une mélancolie déjà très perceptible par ailleurs.

Niloufar est sur le départ, c’est ce qu’elle veut. La France précisément. Comment ne pas espérer pour et avec elle ? Ses peintures dénotent un regard plein d’acuité dans la captation d’une singulière poésie. Défilement du temps et des saisons dans les polyptiques savamment composés et agencés.

Un impressionnisme tellement d’ici, tellement de ces déserts et montagnes environnants, ces murs de pisé de la vieille ville, ces lumières coupantes dont j’aimerais connaître la franchise hivernale. Que deviendra cette peinture si Niloufar devient une exilée ?

« Âmes du désert, âmes sensibles » : c’est ce que m’a écrit Sepideh Farsi, cinéaste iranienne installée en France, après qu’elle ait découvert les peintures de Niloufar.

À suivre : 3/3 – Les écrans là-bas

Photographies et images :

– peintures : Hamide Sadeghieh

– photogrammes issus de Ten et Le Pain et la rue

– photographies d’Amélie Juillard et Arnau Thée


L’AVENTURE DU REGARD PERSAN (1/3)

27 février 2010
Je laisse de nouveau la place à Arnau Thée. Après une tétralogie routière et départementale consacrée au terroir de Luc Moullet, voici son trip(tyque) visuel en Iran, une traversée des écrans où l’on ne sait plus très bien qui regarde qui, et quoi.

MES ÉCRANS : BAGAGE

Prologue : à propos du bagage en général

Le 11 juillet 2009, lors de l’escale à Doha, sur la route de Téhéran par les airs, j’ai écrit ceci :
« Comme prévu, le Qatar est une sorte de vaste blague, pas moins artificiel et vaniteux que Las Vegas. Temple d’un kitsch arabisant et imitation des signes d’un hypothétique triomphe occidental. Vu d’ici, mais je pense que ça suffit, l’ensemble ne ressemble évidemment à rien. »

« Serre-tête et keffieh ou tissu blanc sur les crânes et me voici chez Tintin au pays de l’or noir.  Un souvenir d’enfance, pas très glorieux, me revient aussi, presque logiquement. Avec quelques autres, il fut fondateur pour ma vision du monde : un Cheikh koweitien furieux descendant sur le terrain et parvenant à faire annuler un but français lors du mondial espagnol en 1982. »

Dois-je me considérer comme un mauvais voyageur ? Entre mon regard et le réel : ce petit bagage d’images construites, que l’on trimbale. Ce qui est pratique, c’est qu’il est particulièrement léger, il est juste un filtre que l’on place, ou qui s’intercale subrepticement, sans crier gare ; ce que l’on nomme les représentations mentales. Un mauvais voyageur ? Peut-être bien, mais, sans vouloir me défausser, je n’aime pas ce mot ; je suis un promeneur, on peut bien accorder le loisir de déambuler aux regards et aux pensées pendant les temps d’attente, lorsque le corps est porté par des jambes, un taxi ou un bus. Est-ce que cela empêche de bien voir ? Pas si sûr.

Jouer à Kiarostami


En Iran, où  je me suis posé le 12 juillet 2009, mon petit bagage n’était pas formé d’un match de football absurde et épique ou d’une aventure de Tintin. Celui-ci s’avérait cinématographique et avait, principalement, Kiarostami pour patronyme. Les films de ce sage de l’image sont formés de flux, de déplacements, souvent en l’automobile, comme fil narratif, comme dynamique de récit et d’expérience.

En tant que piéton, il était à la fois terrifiant et bon de découvrir le flux intimidant de Téhéran ; un objet étrange apparenté à une jungle mâtinée de civilisation. Car, en effet, des règles tacites régissent les différents types de relations complexes entre automobilistes, motards et passants. Ces derniers sont supposés anticiper ce que vont décider ceux que l’on peut désigner comme des  pilotes, et inversement. La chose n’est pas sans danger, mais les chances de survie sont finalement et étrangement élevées. Et il faut dire que, dans un premier temps, se mettre dans les pas d’une personne expérimentée a semblé une voie peu glorieuse mais raisonnable. Voici pour la prise de contact avec le décor kiarostamien.

Ten, dont il va être beaucoup question, est un film confiné à l’habitacle d’une voiture, ce dernier couvert par deux caméras numériques, disposées sur le tableau de bord, assurant le champ et le contrechamp. Cette bulle de fiction est animée par des comédiens non professionnels plongés un réel incontrôlé : la folle circulation de la mégapole.

Dans ce film vertigineux se joue un second qui ne l’est pas moins ; le défilement du paysage urbain à travers les vitres de l’auto. Qu’y voit-on? Avant tout une ville trépidante, arborée aussi, parcourue de passants, affairés pour certains, indolents pour d’autres, de femmes tantôt légèrement voilées, parfois de véritables ombres se déplaçant sous un tchador.

Mes trajets en taxi n’en étaient pas vraiment ; il s’agissait de mouvements de caméra, quelques rares panoramiques, mais des travellings avant tout. Quel étrange moment quand mon regard est devenu porteur d’images admirées, de personnages et de récits aussi hypothétiques qu’évidents.

Sans doute aucun, l’histoire de cette bouteille d’eau appartient à un imaginaire kiarostamien, dans la veine de ses premiers films consacrés à l’enfance, dont nous reparlerons. Il pourrait être celui-ci : dans les montagnes qui surplombent Téhéran, un petit garçon rêveur serait chargé d’une tâche ingrate par son père, comme de mener un troupeau d’un point à un autre. En traversant un ruisseau, il tenterait de capturer dans cette bouteille quelques têtards s’ébrouant dans la vase. Il y parviendrait, mais frappé de stupeur en s’apercevant que le bétail s’est éloigné, la bouteille lui glisserait des mains. On quitterait alors le jeune berger en passant à ce gamin au tee-shirt vert, désoeuvré dans la torpeur de l’immense cité. Montage alterné entre la longue déambulation de la bouteille descendant vers la capitale et celle du garçon dans les rues, jusqu’à ce que les trajectoires se recoupent. Le garçon de la ville recueillerait dans les larges caniveaux caractéristiques des villes iraniennes l’étrange embarcation, et viendrait faire part à quelques passants de sa singulière découverte. Dans un dernier plan d’ensemble laissant la part belle au paysage, on verrait le petit berger arriver au terme de son parcours, avec son troupeau.

Revenons à Ten. Abbas Kiarostami propose une lecture d’une poésie simple et brutale de son film, en expliquant qu’en dehors de l’habitacle, dans les autres véhicules, dans chacun, se jouent d’autres Ten, et ces derniers se prolongent au-delà de l’espace-temps de son métrage. Ce qui me permet, avec une certaine fierté, d’affirmer en toute modestie que j’ai joué dans un Kiarostami, même si aucune caméra n’était là pour enregistrer quoi que ce soit. Mais dans l’acceptation du cinéaste, et la mienne, ce film existe, quelque part.

À suivre : 2/3 – Mes écrans : surgissements

Photographies et images :

– affiche du film Ten et photographie du tournage, photogramme tiré de Expérience (1973)

– case issue de Tintin au Pays de l’or noir de Hergé

– vue de Téhéran : auteur inconnu

– photographies d’Amélie Juillard et Arnau Thée