Jack Kerouac, Sur la route, p.217
J’étais arrivé au bout; le continent, c’était fini; il ne restait plus qu’à revenir sur mes pas.
Long ago the clock washed midnight away
Bringing the dawn
Oh God, I must be dreaming
Time to get up again
And time to start up again
Pulling on my socks again
Should have been asleep
When I was sitting there drinking beer
And trying to start another letter to you
Don’t know how many times I dreamed to write again last night
Should’ve been asleep when I turned the stack of records over and over
So I wouldn’t be up by myself
Where did the night go?
Should go to sleep now
And say fuck a job and money
Because I spend it all on unlined paper and can’t get past
« Dear baby, how are you? »
Brush my teeth and shave
Look outside, sky is dark
Think it may rain
Where did
Where did
Where did
Nous sommes passés devant les bicoques du côté du carrefour entre Welton Street et la 17ème Rue, dans la nuit embaumée de Denver. L’air était si doux, les étoiles si belles et si grande la promesse de toutes les ruelles pavées, je me croyais dans un rêve.
Ce ne sont pas tant les paroles que la mélodie, son harmonie, la façon dont Billie chante ça, comme une femme qui caresserait les cheveux de son homme à lueur douce de la lampe.
Cette photographie du Normandy de Deauville, vue ce matin dans mon journal, m’a rappelé celle qu’on trouve dans les Emigrants.
Les grands de notre monde sont donc réunis (pour la première fois je crois) dans un lieu sebaldien. Avant de consacrer à cet hôtel l’article qu’il mérite dans mon dictionnaire, voici la description qu’en fait Sebald. On en conviendra, elle est d’une étonnante acuité, et même d’une remarquable prescience :
Au contraire des Roches Noires, qui se délitent, l’hôtel Normandy, terminé en 1912, est encore aujourd’hui, à l’autre bout de Trouville-Deauville, un établissement de très grande classe. La construction à colombage, qui s’organise autour de plusieurs cours intérieures et paraît à la fois minuscule et surdimensionnée, héberge désormais presque exclusivement des hôtes japonais pilotés tout au long de la journée, selon un programme des plus précis, par un personnel d’une politesse raffinée, certes, mais surtout, comme j’ai pu l’observer, glaciale, voire confinant à l’indignation. Au Normandy, de fait, on se croit moins dans un hôtel de renommée internationale que dans un pavillon de gastronomie française érigé pour les besoins d’une foire-exposition mondiale à l’extérieur d’Osaka, et pour ma part je n’aurais été nullement étonné, sortant du Normandy, de tomber sur un hôtel de fantaisie alpin ou balinais.
(p. 141, Babel, traduction de Patrick Charbonneau)
Nous revoilà devant l’inscription Preston, sur le château d’eau. Le train de Rock Island est passé comme un boulet de canon. On a aperçu le visage des passagers du Pullman, tout flous. Le train hurlait en traversant les plaines, il roulait vers nos désir. La pluie redoublait. Mais j’étais sûr que j’y arriverais.
Cet après-midi-là, à Des Moines, partout où je regardais, j’ai vu des hordes de jeunes beautés, qui rentraient du lycée; mais j’avais autre chose à penser, et je me promettais de me rattraper à Denver.
J’ai rencontré Neal pas très longtemps après la mort de mon père… Je venais de me remettre d’une grave maladie que je ne raconterai pas dans le détail, sauf à dire qu’elle était liée à la mort de mon père, justement, et à ce sentiment affreux que tout était mort.
(Le rouleau original, Gallimard, 2010, traduction José Kamoun)