Take Shelter

20 juin 2018

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C’était juin; c’était quelques jours avant la fin du moi de juin. c’était 1976. J’écris ce souvenir. Il s’est passé plus de vingt ans. Je pourrais peut-être retrouver le jour exact de mon passage au Holiday Inn de Winona, mais je n’essayerai même pas. Après les 20 miles ou environ d’une ration de marche quotidienne le long du fleuve (distance moyenne d’un Holiday Inn à un autre Holiday Inn ou, à défaut, quelque autre motel semblablement confortable), le luxe d’un long bain chaud, le luxe du grand lit, le repos mental de la vieille série à la télé (sinon Gilligan’s Island, The Munsters, sinon The Munsters, I love Lucy; ou une autre encore; quelques Star Trek de la première époque, par exemple (?)), étaient la récompense attendue de l’effort, le repos bien mérité (le bain chaud, le lit, l’écran) de jambes déjà chargées de tant de kilomètres solitaires, depuis Grand Rapids (Minnesota; pas le plus connu Grand Rapids, qui est dans le Michigan) le long des routes: Highway 61 (principalement). Or l’image s’est brouillée brusquement, l’écran est devenu noir, puis laiteux; une voix calme mais pressante m’a annoncé, à moi personnellement (comme à tous les habitants de Winona et à tous les automobilistes de la région munis de radios) l’arrivée imminente d’une tornade: TORNADO WARNING.

(Jacques Roubaud, La bibliothèque de Warburg, p.7)


Les années de formation (2): Paris / Nantes par Olonne

23 juin 2011

Jean-Christophe Bailly, Description d’Olonne, p.13 :

Or c’est lorsque l’inconnu prend la forme des retrouvailles, lorsque dans l’étendue s’ouvre la possibilité et la persistance d’un accord, que l’on est le plus véritablement surpris, et c’est ce qui advint.

J’ignore dans quelle mesure le livre de Jean-Christophe Bailly a joué un rôle dans la décision prise l’an dernier de quitter Paris pour revenir habiter dans la ville de mes années de formation.

Le relisant pour y voir plus clair, une semaine avant le grand déménagement, je constate que j’avais noté sur la page de garde

« le 17/04/10, Tschann, Paris »

soit la veille exactement du jour où, tout juste arrivés pour quelques jours à Nantes même, nous

avions évoqué cette idée de départ (ou de retour) de manière plus précise et plus décidée qu’à l’habitude.

Je me souviens qu’à l’époque je ne voyais dans Olonne qu’un brillant reflet de Nantes, identifiable à un certain nombre de traits géographiques : d’abord une situation, imaginaire certes, mais sans nul doute à l’ouest de la France (ce dont témoigne encore ce nom, Olonne, qui a son double réel et vendéen); une « forme » ensuite, la « structure » que prend la ville décrite par Bailly,

déployée en éventail autour du noyau des îles anciennes,

traversée d’est en ouest par la Sauve comme Nantes l’est par la Loire avant que le fleuve ne s’ouvre en estuaire ; et puis surtout la gémellité trouble de certains lieux (mais heureusement pas tous), qui faisait qu’au cours de ma lecture le quai de la Fosse, le Château des Ducs, la Médiathèque, le théâtre Graslin, le cours Cambronne, ou encore celui de l’Erdre (avant qu’il ne soit en partie recouvert par les Cinquante otages), se superposaient tour à tour, avec un léger tremblé, aux endroits décrits par le narrateur.

Les références plus ou moins explicites à Julien Gracq m’avaient par ailleurs conduit

à lire la prose de Bailly comme un pastiche de la Forme d’une ville ; à voir par exemple dans ce passage du tout début de Description d’Olonne

Si je ne suis pas revenu à Olonne, c’est parce que je sais que la forme de ma vie y a correspondu à celle de la ville, qu’elles se sont entendues l’une et l’autre, presque jusqu’à la fin, dans une précision d’emboîtage que je ne pourrais pas retrouver.

une image en miroir des dernières lignes du texte que Gracq consacre à la Nantes de son adolescence

Je croissais, et la ville avec moi changeait et se remodelait, creusait ses limites, approfondissait ses perspectives, et sur cette lancée – forme complaisante à toutes les poussées de l’avenir, seule façon qu’elle ait d’être en moi et d’être vraiment elle-même – elle n’en finit pas de changer.

De la même manière, la fameuse citation de Baudelaire,

(la forme d’une ville / Change plus vite, hélas! que le cœur d’un mortel)

sur laquelle Gracq a bâti son titre, sa première et sa dernière phrase, tout son projet en somme, me semblait infuser de nombreuses lignes de Bailly, notamment celles où il annonce avec une étonnante prescience, dès 1992, les grandes transformations qu’a subies la ville récemment. Le court passage qui suit m’était ainsi apparu – m’apparaît encore – comme un des meilleurs résumés des effets provoqués par la réhabilitation des friches industrielles (l’usine LU, les chantiers navals, les hangars du bout de l’ïle de Nantes), en voie d’abandon jusqu’au milieu des années 1990, devenues depuis de hauts-lieux de culture et de loisirs :

C’est seulement au cours des toutes dernières années que des efforts de reconversion et des expériences originales – à nouveau -, en matière d’urbanisme, semblent l’avoir sortie de cet engourdissement où elle était lorsque je l’ai connue.

De manière plus subjective encore, j’imagine que c’est l’histoire de ce bibliothécaire, arrivé de Paris à Olonne par l’effet de quelque « affectation », qui m’avait transporté à Nantes, dans une projection prenant alors le contre-pied de la démarche mémorielle de Bailly, ou du narrateur, quand ce dernier demande

Y aurait-il, par contre, un genre qui serait celui de la promenade rétrospective ?

Un an plus tard, je remarque cependant qu’un retournement s’est produit, presque une inversion, qui accorde davantage ma relecture à l’esprit originel de Description d’Olonne – même si c’est toujours avec un peu d’avance. Au moment de partir, en effet, ce n’est plus tout à fait Nantes, mais un peu plus Paris que je reconnais sur la carte dessinée par Bailly.

L’île de la Chantraie, en particulier,

si j’associe toujours son nom à « Chantenay », m’apparaît de plus en plus sous la forme de l’Ile de la Cité, et de moins en moins comme le double de l’Île de Nantes. En une année et une mutation, c’est comme si la ville quittée, déjà regrettée, avait pris la place de la ville désirée pour « jouer », ou plutôt « rejouer » Olonne dans mon esprit.

Où j’identifie un nouveau « moment de lecture », et trouve, s’il le fallait, confirmation de l’étroite imbrication de la littérature et de la vie, ce qu’auraient mieux éclairé encore de nombreux passages du dernier essai de Marielle Macé

si, avec Description d’Olonne et la Forme d’une ville, il avait été retenu –  comme sur l’île déserte – parmi les quelques livres qui échappent encore aux cartons.

Au milieu des notes brouillonnes que j’ai prises sur ce texte dense et malgré tout lumineux, j’ai quand même pu retrouver cette formule

La lecture fait un décor à nos désirs

qui condense idéalement le livre de Gracq, celui de Bailly, mon expérience.


Accélération (4): décélérations

7 novembre 2010

Voici douze ralentis, pauses, sorties de piste. Des moments et des mouvements suspendus hors du temps que j’ai trouvés chez W. G. Sebald et quelques autres, comme c’est la règle sur ce blog. Je laisse aux plus joueurs le plaisir d’identifier les auteurs et les oeuvres :

Ralenti 1

Les morts n’étaient-ils pas hors du temps ? Les mourants ? Les malades alités chez eux ou dans les hôpitaux.

Ralenti 2

Ce qui est certain, c’est que jamais plus je ne me suis reposé de cette façon, les pieds obscènement posés par terre, les bras sur le guidon et sur les bras la tête, abandonnée et brimbalante. C’était en effet un triste spectacle, et un triste exemple, pour les citadins, qui ont tellement besoin d’être encouragés, dans leur dur labeur, et de ne voir autour d’eux que des manifestations de force, de joie et de cran, sans quoi ils seraient capables de s’effondrer, en fin de journée, et de rouler par terre.

Ralenti 3

Pourquoi le plaisir de la lenteur a-t-il disparu ? Ah, où sont-ils, les flâneurs d’antan ? Où sont-ils, ces héros fainéants des chansons populaires, ces vagabonds qui trainent d’un moulin à l’autre et dorment à la belle étoile ? Ont-ils disparu avec les chemins champêtres, avec les prairies et les clairières, avec la nature ?

Ralenti 4

C’est qu’aujourd’hui encore et, à y regarder de près, aujourd’hui surtout, quiconque voyage à pied, à moins de correspondre à l’image de l’estivant randonneur, suscite immédiatement la méfiance des habitants de la localité où il vient à passer.

Ralenti 5

Dès lors il me parut impossible de ne pas contempler le fleuve roulant ses eaux lourdes dans le crépuscule, les péniches en apparence immobiles, enfoncées jusqu’au ras de la ligne de flottaison, les arbres et les fourrés sur l’autre rive, les fines hachures verticales striant les vignobles (…)

Ralenti 6

Il fallut un certain temps pour que mes yeux s’accoutument de nouveau à la douce pénombre et que je puisse voir le bateau qui s’était avancé au milieu de l’incendie et à présent mettait le cap sur le port de ****, si lentement qu’on pouvait croire qu’il ne bougeait pas. C’était un grand yacht à cinq mâts, qui ne laissait pas la moindre trace sur l’eau immobile. Il était tout au bord de l’immobilité et pourtant il avançait aussi inéluctablement que la grande aiguille d’une horloge.

Ralenti 7

A Smederevo, là-bas derrière le fort au bord du fleuve que les Allemands avaient à demi fait sauter pendant la Seconde Guerre mondiale, pas un bruit ne parvenait de l’eau lumineuse et spacieuse qui pourtant coulait rapidement ; pendant toute l’heure sur la rive pas le moindre glougloutement, pas le moindre gargouillement, aucun bruit.

Ralenti 8

Malachio coupa le moteur. Le bateau roulait au gré des vagues et un long temps, me sembla-t-il, s’écoula. A nos yeux s’offrait l’éclat déclinant de notre monde, une vue dont on ne se laissait pas de se repaître, le spectacle d’une ville céleste. Le miracle de la vie née du carbone, entendis-je dire Malachio, part en flammes.

Ralenti 9

Comme flottant entre deux eaux, à la façon de quelque monstre marin aveugle et très vieux, quelque cétacé blanchi émergeant de la préhistoire, vaguement phallique, son avant aux contours imprécis est apparu, sortant lentement des ténèbres au milieu des rafales de neige (…)

Ralenti 10

On entendait au loin la rumeur étouffée de la ville et dans le ciel le grondement des gros avions qui à une minute d’intervalle apparaissaient au  nord-ouest à la hauteur de Greenwich et planaient très bas, incroyablement lents, me semblait-il, pour disparaître vers l’ouest en direction de Heathrow.  Tels des monstres retournant le soir à leurs tanières ils restaient suspendus au-dessus de nos têtes dans l’air qui s’assombrissait, les ailes écartées du corps, comme tétanisées.

Ralenti 11

Juste à l’extérieur du périmètre de l’aéroport, il s’en fallut d’un cheveu que je ne quitte la route en voyant s’élever lourdement, tel un monstre préhistorique, un Jumbo au ras de la véritable montagne d’ordures accumulées à cet endroit. Il laissait échapper derrière lui une trainée de fumée noirâtre et un instant j’eus l’impression qu’il avait battu des ailes.

Ralenti 12

Il semblait qu’on glissât tout naturellement sur cette large chaussée. Les dépassements, si tant est qu’ils eussent lieu étant donné les infimes différences de vitesse, s’effectuaient avec une lenteur telle que, avançant ou reculant pouce par pouce, on devenait pour ainsi dire une connaissance de voyage du conducteur sur la file d’à côté.

Ces derniers extraits, où la plus grande vitesse donne l’impression de la plus grande inertie, me font penser aux remarques de Marc Desportes dans Paysages en mouvement: les moyens de transports modernes (trains, automobile, avions…) ont poussé le regard à se porter au loin, vers un arrière-plan de plus en plus panoramique, de plus en plus stable, de plus en plus immobile en comparaison du premier qui, pendant ce temps, file à toute vitesse et échappe à l’œil humain.

Ils me rappellent aussi que parmi les cinq formes de décélérations identifiées par Hartmut Rosa dans Accélération, la plus paradoxale, même si ce n’est pas la mieux étayée, est celle qui relève de la « pétrification culturelle et structurelle », principe selon lequel la vitesse des changements dans nos « sociétés modernes avancées » n’est que le masque de l’immobilité et de l’absence d’avenir.

Images: Photogramme tiré de L’emploi du temps de Laurent Cantet (2001); La lagune de Venise et les cheminées de Mestre, photographie Romain Bonnaud; Photographie tirée de Vertigo; Le long de la Metro North Railroad, entre New York et Beacon, par Romain Bonnaud.

Dictionnaire des lieux sebaldiens (17): Saint-Pétersbourg

23 février 2010

W.G. Sebald, D’Après Nature

«Cronstadt, Oranienbaum, Peterhof
et pour finir, dans le vide torricellien
un bâtard de trente-quatre ans,
déposé dans le delta marécageux de la Neva,
Saint-Pétersbourg sous la forteresse,
nouvelle capitale russe,
effroyable pour un étranger,
rien d’autre que l’éruption d’un chaos,
des bâtiments qui s’enfoncent
à peine édifiés, et nulle part une perspective droite.
Agencés selon le nombre d’or,
les quais et les ponts, les rues et les places,
les lignes de fuite, les façades et les rangées de fenêtres
n’émergent que lentement
du vide sonore de l’avenir
pour imposer un plan éternel à une ville née
de l’angoisse devant l’immensité de l’espace,
surpeuplée, grouillant d’Arméniens, de Turcs, de Tatars,
de Kalmouks, de Suédois immigrés,
d’Allemands, de Français et des corps
mutilés, torturés à mort,
des criminels pendus,
exhibés tout au long de l’avenue. »

(Traduction Patrick Charbonneau et Sibylle Muller, p.39)

Alexandre Pouchkine, Le Cavalier de bronze, Prologue

«  Et il songeait
D’ici nous menacerons la Suède,
Ici, une ville s’élèvera
Pour narguer l’impudent Suédois,
Nous percerons, d’un seul élan
Une fenêtre vers l’Occident,
Sur la mer nous nous ancrerons.
Alors, portés par des vagues neuves,
Les pavillons du monde entier
Viendront avec nous festoyer. »

(traduction Léonid et Nata minor, Edition des Syrtes, p.129)

Le Cavalier de bronze, Première partie:

«  En cette année
Régnait encore sur la Russie,
Dans toute sa gloire, le tsar défunt.
Il se tenait sur son balcon,
Pensant que des projets divins
Les tsars ne peuvent avoir raison.
Et là, assis, l’air accablé,
Il contemplait l’inondation.
Les places devenaient des estuaires,
En elles dévalaient en rivières
Les rues en pente et le palais
Semblait une île désolée… »

(p.139)

A quelques années de distance, deux regards et deux trajectoires se croisent en ce lieu.

En fondant sa nouvelle capitale Pierre le Grand (1682-1725) ouvre à la Russie sa « fenêtre vers l’Occident » qu’il regarde avec des yeux de prédateur. Une vingtaine d’années plus tard, dans un mouvement inverse, Georg Wilhelm Steller, fraîchement débarqué d’Allemagne, ne voit dans Saint-Pétersbourg qu’une porte de l’Orient, un moyen de fuir la carrière promise à l’université, la vie bourgeoise au coin du feu, la certitude du professeur en chaire.

L’arrivée du naturaliste allemand dans le port est l’occasion pour Sebald d’écrire une nouvelle variation sur la catastrophe urbaine. A peine bâtis (la scène se déroule au début des années 1730) les immeubles et les quais menacent déjà de s’enfoncer sous terre et sous l’eau, frappés par un dieu courroucé et vengeur qui aurait vu s’élever là une nouvelle Babel, une autre Sodome, une autre Gomorrhe.

Quelle est la faute ici? Moins peut être la démesure de l’ambition que le froid calcul qui fit naître Saint-Pétersbourg des eaux marécageuses du delta, comme si ce dernier n’existait pas et qu’il s’agissait d’une plaine fertile à l’abri des tempêtes. C’est le triomphe de l’abstraction qu’a dénoncé plus tard toute une tradition hostile aux révolutions trop radicales (son grand théoricien: Burke et ses Reflections on the Revolution in France, 1790). L’idée que le monde est une table rase, une page blanche sur laquelle on peut tracer les figures les plus complexes et faire naître les symétries les plus audacieuses: le rêve des philosophes, des bureaucrates et des ingénieurs au service du despote éclairé.

Un plan radial, des rues au cordeau, des bâtiments comme à la parade, la pierre partout : une ville nouvelle sur le modèle de la ville nouvelle de l’époque, Versailles, dont l’imitation la plus aboutie se trouve en périphérie, à Peterhof; Pierre-le-Grand dans les pas de Louis XIV.

Au départ, ce ne sont pourtant que marais sablonneux traversés par les bras de la Neva, eux-mêmes séparés par des îles inondables couvertes de forêts, et puis le 16 mai 1703, après avoir pris le lieu aux Suédois lors de la seconde guerre du Nord (1700-1721), le tsar pose la première pierre de la forteresse Pierre-et-Paul; mais bientôt une autre s’avère nécessaire sur l’île de Cronstadt pour protéger l’entrée du delta, avant que les chantiers navals se mettent à construire la nouvelle flotte. Du bâtiment de l’Amirauté s’ouvrent alors deux « perspectives », comme un compas, et une ville garnison émerge, une Venise du Nord autour son arsenal qui enserre les courbes du fleuve, le prive de ses plaines inondables naturelles et le rend indomptable en cas de crue. Bien conscient de ces dangers, Pierre le Grand décide malgré tout, ou plutôt pour toutes ces raisons, dans un geste de défi à la nature et à la tradition, d’en faire sa capitale. Elle est baptisée en 1712, d’un nom qui enveloppe le tsar régnant d’une aura d’apôtre.  Mais Pierre a d’autres projets encore pour sa ville, qui dépassent de loin le renforcement de son propre pouvoir: en détrônant la trop archaïque et trop religieuse Moscou, elle doit ancrer son pays en Europe et devenir le coeur de la Russie moderne qui irriguera d’idées nouvelles et de réformes le reste de l’immense territoire. C’est donc la ville d’un pouvoir absolu, dont l’arbitraire s’est perpétué par la suite et se lit jusque dans les changements successifs de toponyme: Saint-Pétersbourg (1712-1914), Petrograd (1914-1924), Leningrad (1924-1991), Saint-Pétersbourg à nouveau depuis la disparition de l’URSS.

Dans l’oeuvre de Sebald elle n’est qu’un des exemples délirants de ces constructions modernes qui semblent porter dans leur plan-même l’idée de leur propre croissance infinie et de leur propre ruine. On trouvera dans les quarante première pages d’Austerlitz les développements les plus complets sur l’irrationalité qui présida à l’édification des places-fortes, gares, palais de justice et autres bibliothèques qui se sont multipliés depuis le dix-septième siècle sur le continent européen.

Austerlitz, p.23

« (…) il était possible de reconnaître que vers la fin du XVIIème siècle les différents systèmes avaient fini par se quintessencier pour donner naissance à un plan privilégié, une étoile à douze branches avec contrevallation, sorte de parangon déduit d’à partir de la section dorée, qui effectivement, ainsi qu’on s’en rendait compte aisément en voyant l’intrication extrême des ébauches et esquisses dressées dans le but de fortifier des sites tels que Coeverden, Neuf-Brisach ou Saarlouis, parlait à l’esprit du dernier des profanes, conquis par l’évidence de ce qui ne manquait pas d’apparaître à la fois comme l’emblème du pouvoir absolu et comme celui du génie des stratèges attachés à son service. Toutefois dans la pratique guerrière, les forteresses en étoile construites et sans cesse améliorées au cours du XVIIIème siècle n’avaient pas rempli leur fonction; car, enfermé comme on l’était dans ce schéma, on avait négligé que les places les plus fortes étaient par nature celles qui attirent aussi les armées ennemies les plus fortes (…) »

On imagine aussi ce qu’il aurait pu faire du chantier dantesque où périrent sans doute une centaine de milliers de semi-esclaves. Il se limite ici à l’évocation des souffrances infligées: les « corps mutilés, torturés à mort » des pauvres hères souvent déplacées de force et de loin pour construire et peupler la capitale. L’esquisse (une eau-forte) me fait penser à d’autres grands travaux de l’Europe moderne, dont Pierre Michon a fait récemment un brillant tableau en quelques touches :

« – depuis que le cardinal-duc avait fait lever, plus ou moins à coups de trique, plus ou moins à coup d’écus, des bataillons de Limousins pour construire au large de la Rochelle et autant dire alors en pleine mer de grands apparaux de guerre, des digues, des babels bien cimentées de ciment limousin, sang et boue, où lui, le cardinal-duc de Richelieu, debout sur les digues par-dessus les Limousins dans son habit de fer et de pourpre, pensait que tous les huguenots du monde viendraient se fracasser et mourir toujours, sortir de l’Histoire- »

(Les Onze, Verdier p. 35)

Le Cavalier de Bronze de Pouchkine raconte un autre malheur des temps, la grande inondation qui a frappé Saint-Pétersbourg en 1824. La catastrophe y apparaît comme une punition divine et une inévitable conséquence du despotisme hydraulique (1). La nature reprend ses droits pour un moment. Places, quais et rues redeviennent les estuaires, les îles, les rivières qu’ils n’auraient jamais dû cesser d’être. Seule la statue équestre de Pierre reste intacte, superbe, tandis que les victimes s’entassent, que les corps dérivent au long de la Neva une fois la tempête passée. Neuf ans après la catastrophe qu’il avait au départ sous-estimée, Pouchkine, dont le grand-père maternel était un prince africain au service du tsar, écrit un poème plein d’admiration amère, d’amour douloureux pour la ville et son bâtisseur.

Les deux textes font le procès de l’ordonnancement classique, d’une forme de rationalité instrumentale et de l’empire absolu qu’elle semble donner sur le monde. Le nombre d’or et l’obsession de symétrie ne peuvent que mener au chaos. La subversion de l’ordre apparent et le dévoilement des ombres de la raison pure imposent aux écrivains l’adoption d’un point de vue quelque peu halluciné, baroque, fantastique même, où le plan grandiose se renverse en tableau macabre, ce qu’illustre chez Sebald les pendus de la Perspective Nevski, chez Pouchkine le destin d’Eugène qui contemple le désastre juché sur la statue de Pierre-le-Grand, avant de sombrer dans la folie, poursuivi par le cavalier de bronze, et de rejoindre dans la mort sa bien-aimée Paracha.

Mais il ne faudrait pas lire uniquement ces textes comme des condamnations sans appel de la modernité occidentale. A la manière du poète russe dans son prologue, Sebald donne aussi à voir la face plus lumineuse de Saint-Pétersbourg. Comme en cette époque et en ces lieux-là le temps s’étirait d’une manière inconnue de nos jours, Steller y demeure en effet quatre années au cours desquelles il peut aussi échapper à l’agitation de la ville en attendant l’autorisation de rejoindre l’expédition de Béring. On le voit se promener dans les jardins botaniques de l’Hospice de la marine (p.40) où la contemplation de l’infinie diversité du vivant procure un apaisement précaire et précieux. Il obtient un poste à l’Académie des sciences, y fait la connaissance d’un savant aux nerfs malades, Messerschmidt, et, par son intermédiaire, de celle qui deviendra sa femme et demeurera sans nom, une fille de boulanger qui refuse finalement de le suivre dans sa quête angoissante.

Enfin il y a une autre rencontre, pleine d’augures, celle du patriarche Théophon. Peu avant de mourir, ce dernier lui livre le secret de la tendance frénétique à créer et accumuler que le naturaliste observe chaque jour chez les plantes, les animaux et les hommes, dans les jardins ou au bord de la Neva, et sous laquelle il devine qu’un vide se creuse sans fin.

D’Après Nature, p.41

« Mais tout, dit Théophon,
tout, mon fils, se mue en vieillesse,
la vie devient moindre,
tout diminue,
la prolifération
des espèces n’est qu’une
illusion, et personne
ne sait où cela mène. »

Puis, en 1736, a lieu le grand départ pour rejoindre Béring à Petropavlovsk, l’autre bout du monde, contrepoint dégradé, provincial et boueux de Saint-Pétersbourg.

Note:
(1) La thèse de Karl Wittfogel sur le despotisme oriental (1957) met en rapport la démesure des projets hydrauliques avec degré de tyrannie exercée par les régimes politiques qui ont dominé une bonne partie de l’Asie depuis des siècles. J’en ai trouvé la référence dans un beau livre étrange: Les ingénieurs de l’âme, de Paul Westermans, Christian Bourgois.
(Images: Projet de Jean-Baptiste Leblond (1679-1719) venu de France à la demande de Pierre 1er, 1717. Il ne fut pas exécuté mais Leblond put commencer les travaux du « Versailles russe », Peterhof; Pierre le Grand interroge le tsarévitch à Peterhof, Nicolas Gué, 1871; Carte du delta de la Neva, vers 1705. On distingue la Forteresse Pierre-et-Paul entre la petite île du Lièvre et l’ïle Pietrogradski; Plan de la forteresse Pierre-et-Paul; Plan de Saarlouis, dix-huitième siècle; La grande inondation de 1824, gravure anonyme d’époque; Le Jardin des plantes de Paris, gravure de Daubigny, 1842.)

PS: Un grand merci à ma haute(?)-commissaire spéciale déléguée à la littérature russe, qui se reconnaîtra.


Qui a mieux peint l’hiver (3)? (Dictionnaire des lieux sebaldiens (15): l’Escaut)

7 janvier 2010

Austerlitz, p.20-21
« Et, de la même manière qu’il avait conclu ce premier soir, Austerlitz poursuivit ses considérations le lendemain, sur la promenade en terrasse au bord de l’Escaut où nous nous étions donné rendez-vous. Il désigna le large ruban liquide qui étincelait sous le soleil du matin et parla d’un tableau datant de la fin du XVIème siècle, époque que l’on a appelée la petite période glaciaire, où Lucas Van Valckenborch donne à voir depuis l’autre rive l’Escaut entièrement gelé, avec derrière, obscures, la ville d’Anvers et une bande de terre plate s’étendant jusqu’à la côte. Au-dessus de la tour de la cathédrale Notre-Dame, un ciel sombre libère une chute de neige, et là-bas, au loin, sur le fleuve que nous contemplons quatre siècles plus tard, les Anversois s’ébattent sur la glace, gens du peuple en sarraus couleur de terre et personnes de condition en pèlerines noires, avec fraises de dentelle blanche autour du cou. Au premier plan, vers le bord droit du tableau, une dame est tombée. Elle porte une robe jaune canari et le galant homme qui se penche vers elle avec sollicitude des culottes rouges, très voyantes  dans la lumière blafarde. »
(Actes Sud, traduction Patrick Charbonneau)

C’est le deuxième jour à Anvers, au bord de l’Escaut. En ce mois de juin 1967 les eaux s’écoulent tranquillement mais l’esprit de Jacques Austerlitz fige l’image un instant d’insouciance : le cours du temps est remonté de quatre siècles et suspendu au pinceau de Van Valckenborch (1535-1597), au geste de l’homme aux culottes rouges et aux joies du patin à glace. Anvers oublie les désordres qui la déchirent alors entre Espagnols et Hollandais, catholiques et protestants. Les deux personnages, quant à eux, achèvent de sceller une complicité nouée la veille, dans la salle des pas perdus de la Gare centrale.

Pourquoi la chute de cette femme anonyme, en « robe jaune canari », retient-elle autant l’attention ? Au seuil du récit, cette figure du désarroi et de la fragilité annonce d’autres malheurs, d’autres tentatives de sauvetage, d’autres visages impossibles à dessiner avec exactitude (celui de sa mère Agatha, en particulier). Le détail sur lequel Austerlitz attire le regard devient un augure métonymique de l’ensemble d’un texte et d’une oeuvre qui fonctionnent constamment de la complémentarité entre la petite et la grande échelle.

Comme on ne devise jamais au bord du même fleuve, les deux compagnons se retrouvent un autre hiver, sur la même rive mais en aval dans le récit et sur l’estuaire, du côté des Hollandais qui en ont longtemps contrôlé l’accès stratégique, après bien d’autres (Espagnols, Anglais, Autrichiens, Français), le fermant même parfois à la navigation. Cependant l’Escaut des débuts de la construction européenne n’a plus rien du fleuve disputé des siècles précédents, et près de son embouchure il ne ressemble plus à un « ruban serpentant » à travers la ville; s’ouvrant à la Mer du Nord il se confond de plus en plus avec elle et perd son identité de cours d’eau.

Austerlitz p.41
« ce jour où nous restâmes tout un calme après-midi de novembre à deviser dans un café à billard de Terneuzen – je me rappelle la patronne, une femme portant des lunettes très épaisses qui tricotait une chaussette vert bocage, les boulets de charbon dans le foyer, la sciure mouillée répandue sur le sol, l’odeur amère de la chicorée – et à regarder par la baie vitrée l’immense embouchure de l’Escaut noyée dans un brouillard gris ».

On ne reconnait pas non plus, dans ce passage, l’autoroute fluviale charriant les produits de l’ère industrielle. Dans ces contrées poldérisées mais toujours menacées par les eaux et la vase (et on pense à Venise (Vertiges, All’Estero, p.52-67), Dunwich (Anneaux de Saturne, p.185-190 ) ou Vyrnwy, la ville galloise ennoyée (Austerlitz, p.65-66 et p.268)), c’est pourtant cette voie majeure qui a donné naissance à la première région économique de Belgique et au deuxième port d’Europe. Par comparaison Sebald fait ailleurs dans le récit un tableau moins apaisant et oisif du Rhin parcouru de péniches pleines à craquer, roulant « ses eaux lourdes » (p.268) qui rappellent celles, plus douteuses encore, de la Tamise:

Austerlitz, p.139:
« et je n’oublierai jamais, jaillissant du néant, l’estuaire courbe de la Tamise, une queue de dragon d’un noir de cambouis serpentant dans la nuit tombante, au long de laquelle s’allumaient maintenant les lumières de Canvey Island, de Sheerness et de Southend-on-Sea »

A Anvers comme à Terneuzen l’Escaut parvient à échapper à ce qu’en fait l’homo economicus et peut encore être un pur objet de contemplation et de méditation. Tels la Vlatva plus loin, ou encore – à d’autres moments de l’œuvre, de l’année, de l’histoire – le Danube:

Vertiges, p.42-43
« J’étais monté pour la première fois au Greifenstein à la fin des années soixante et de la terrasse panoramique du café, j’avais contemplé le fleuve étincelant et ses basses terres marécageuses sur lesquelles les ombres du soir commençaient à se poser. En ce lumineux jour d’octobre où Ernst et moi, assis côte à côte, jouissions de cette belle perspective, une brume bleutée flottait sur la mer de feuillage venant se briser au pied des murailles du château. Des vagues de vent parcouraient les cimes des arbres et les feuilles détachées de leurs tiges trouvaient les courants ascendants et montaient si haut qu’elles finissaient par se dérober au regard. »
(traduction Patrick Charbonneau)

« Étincelant » à la fin des années soixante, mais ça n’était plus tout à fait l’hiver, et tout a changé depuis:

« On a construit une retenue d’eau en contrebas de la forteresse. Le cours du fleuve en a été régularisé et offre maintenant un spectacle auquel la force du souvenir ne résistera plus longtemps ». (p.43)

(Lucas Van Valckenborch, Vue d’Anvers et de la rivière gelée, 1590, 42,5 cm par 63,5, Stadelsches Kunstinstitut, Francfort). J’ai trouvé le détail et la meilleure reproduction sur le site allemand consacré à Sebald, wgsebald.de)


Qui a mieux peint l’hiver (2)?

3 janvier 2010

C’est aussi l’Épiphanie au chef-lieu du département N.

Tchékhov, Le Gel

« Le gel avait blanchi les arbres, les chevaux, les barbes; il semblait que l’air lui-même craquait, ne supportant pas le froid, mais, malgré cela, aussitôt après la bénédiction des eaux, la police était déjà près de la patinoire et à une heure précise l’orchestre militaire attaqua.
Lorsque, vers quatre heures, la fête battait son plein, l’élite de la société locale se rassembla pour se réchauffer dans le pavillon du gouverneur et sa femme, l’évêque, le président de la cour, le directeur du lycée et bien d’autres. les dames étaient assises dans des fauteuils tandis que les hommes se massaient près de la large porte vitrée et regardaient la patinoire. » (p.332)

Mais Iégor Ivanytch vient doucher la contemplation des notables:

« Le gel était cruel, effroyable. je sortais avec ma vieille et je me mettais à souffrir. Dieu Tout-puissant! On commence par glagater comme si on avait la fièvre, on se recroqueville, on sautille, puis les oreilles, les doigts, les pieds commencent à faire mal. Ils font mal comme si quelqu’un les serrait dans des pinces. Mais tout cela ne serait encore rien, pas grand-chose, pas important. le malheur, c’est quand le corps se glace. On se promène deux ou trois heures par le froide, saint prélat, et on perd toute ressemblance. On a des crampes dans les jambes, la poitrine écrasée, le ventre rentré et surtout on a dans le coeur une douleur comme il n’y en a point de pire. Le coeur souffre, on n’en peut plus, tout le corps se languit, comme si ce n’était pas une vieille femme qu’on conduisait par la main mais la mort elle-même. On est tout engourdi, tout pétrifié, comme une statue, on marche et on croit qu’on ne marche pas, que c’est un autre qui bouge les jambes à notre place. Comme l’âme est figée, on ne sait plus ce qu’on se doit: on est prêt à abandonner la vieille sans guide, ou à chiper un petit pain chaud sur un étalage, ou à chercher une bagarre. Mais quand on rentre du froid pour passer la nuit dans le chaud, on n’en est pas plus heureux! On ne dort pas jusqu’à minuit ou presque et on pleure, et pourquoi pleure-t-on? On ne le sait pas… » (p.335)

(Pochothèque, traduction Vladimir Volkoff)

Aert Van der Neer (1603-1677), Paysage d’hiver avec villageois jouant et glissant sur la rivière gelée (je traduis de l’anglais (sans doute maladroitement)).


Qui a mieux peint l’hiver?

1 janvier 2010

Avec l’inclinaison du globe à l’angle de l’écliptique le soleil s’éloigne des hautes latitudes et frappe la surface terrestre de manière très oblique, allongeant les ombres, plongeant le jour dans un crépuscule permanent. Par ce froid (c’est alors le début du « petit âge glaciaire ») et ces fortes densités (déjà les plus élevées d’Europe), les rayons doivent traverser la brume d’eau condensée qu’exhalent ou transpirent les hommes, les bêtes, les plantes. Hagards et égarés (ils paraissent s’être perdus en route), comme  frigorifiés eux-mêmes, ils ont renoncé à chauffer et se contentent de dispenser un éclairage pâle. Le monde se recouvre d’un voile, c’est étrange comme les choses deviennent à la fois plus statiques et plus flottantes. Le peintre (muet) observe  sa vie durant ce spectacle et entreprend de le mettre sur la toile. Incroyable, la lumière hollandaise qui baigne le petit théâtre humain. Infinie la compassion de l’artiste pour la finitude des êtres. La scène villageoise – ses figures tour à tour empruntées, fières, ridicules, enthousiastes, malheureuses – ne nous dit pas « nous ne sommes rien » (de si petites choses) mais « nous sommes tout » (tout cela, et il n’y a rien d’autre), ou du moins elle parvient à dire les deux.

Je pensais à cet équilibre instable quand je suis tombé sur ces mots de Pessoa, dans son Livre de l’Intranquillité :

« Tout ce qui nous entoure devient partie de nous-mêmes, s’infiltre dans les sensations mêmes de la chair et de la vie, et la bave de la grande Araignée nous lie subtilement à ce qui est près de nous, nous berçant dans le lit léger d’une mort lente qui nous balance au vent. Tout est nous, et nous sommes tout; mais à quoi cela sert-il puisque tout est rien? Un rai de soleil, un nuage – dont seule l’ombre soudaine nous dit le passage – , une brise qui se lève, le silence qui la suit lorsqu’elle a cessé, tel ou tel visage, des voix au loin, un rire qui monte parfois, parmi ces voix parlant entre elles, puis la nuit où émergent, dépourvus de sens, les hiéroglyphes morcelés des étoiles. »

(traduction Françoise Laye)

Ils éclairent de manière peut-être trop lugubre le tableau lumineux d’Hendrick Avercamp, mais à mes yeux les deux pièces consonnent trop nettement pour ne pas les rapprocher.

Il n’y a pas moyen, malheureusement, d’agrandir davantage le Paysage d’hiver (78cm par 132 cm), l’un des centaines (des milliers?) que nous ont offerts les successeurs de Bruegel, en Flandre ou au Pays-Bas. Avercamp est un des meilleurs héritiers du maître, et cette vue (est-ce Kampen? la rivière Ijssel prise par les glaces?) une des ses réussites majeures.

Une manière pour moi de souhaiter une bonne année aux habitués qui fréquentent plus ou moins régulièrement ce site, et à ceux qui trébuchent, tombent, échouent par hasard sur l’une ou l’autre de ces pages.

Hendrick Avercamp, Paysage d’hiver, 1610, Rijksmuseum

Pessoa dans une rue de la « Baixa » à Lisbonne (Document José Fabiao).