Afrique du sud, 22 août 1972

18 septembre 2010

John Coetzee, Le Cap


Seuls, sans amis, à la pointe d’un continent hostile, ils ont érigé leur État-forteresse et se sont repliés derrière ses murs : là ils pourraient entretenir la flamme de la civilisation occidentale jusqu’à ce que le monde finisse par retrouver ses esprits.

C’était le discours qu’ils tenaient, à peu près, ces hommes à la tête du Parti national et de l’Etat sécuritaire, et, pendant longtemps, il a cru que leurs propos venaient du cœur. Mais plus aujourd’hui. Il en est venu à penser que leurs harangues pour sauver la civilisation n’ont jamais été rien d’autre que du bluff. Le patriotisme est de la poudre aux yeux et en coulisses, à l’heure qu’il est, ils se livrent à de savants calculs pour savoir combien de temps les choses vont durer (les mines, les usines) avant qu’ils aient à plier bagage, qu’ils passent tout document compromettant à la déchiqueteuse, et prennent l’avion pour Zurich, Monaco ou San Diego, où, sous couvert de sociétés holding du nom d’Algro Trading, ou de Handfast Securities, ils se sont acheté il y a des années des villas et des appartements pour assurer leur avenir au jour du Jugement (dies irae, dies illa).

(L’été de la vie, Seuil, page 12, traduction par Catherine Lauga du Plessis)

Retour sur les carnets d’un retour au pays natal, suite autobiographique aux Scènes de la vie d’un jeune garçon et l’Age d’homme. Coetzee dit toujours « il » mais d’autres voix se mêlent à sa prose, limpide et sans pitié, comme le Karoo à l’aube.